Au lendemain du 23 avril 1860, la France proclamait que les populations de la Savoie avaient répondu à la question : “La Savoie veut-elle être réunie à la France ?” par un OUI unanime. Ce n’est pas moins de 130’533 voix, représentant 99,8 % du corps électoral, qui venaient ainsi de crier leur amour à la France (voir note).
99,8 %, autant dire 100 %, ne soyons pas pingres.
Or donc, passé ce moment d’autosatisfaction franco-français, regardons ce chiffre en détail, parce qu’en réalité, ce OUI unanime était scindé en deux possibilités : d’un côté un simple”OUI”, et de l’autre, pour une grande partie de la Savoie du nord, un “OUI et Zône”.
Ce “OUI et Zône” a recueilli 47’076 voix, ce qui représente 36 % du trop fameux 99,8 % triomphalement proclamé par la France. Il ne reste donc de celui-ci, en réalité, qu’un beaucoup moins glorieux 64 % de OUI ; ça a déjà tout de suite moins de gueule : on s’approche gentiment d’un bien banal 60/40, plus très loin d’un 50/50.
Et si 47’076 Savoyards avaient effectivement dit OUI, il ne s’agissait que d’un OUI conditionnel. De plus, il est évident qu’en ce mois d’avril 1860, aucun d’eux ne pouvait imaginer que leur réponse favorable leur avait été extorquée et que les clauses essentielles ayant conduit à leur OUI seraient assez rapidement volontairement ignorées. Ils découvriront alors, mais trop tard, cette France trompeuse et toujours prompte à renier un engagements pour peu qu’il lui soit défavorable. Aux imaginatifs, qui rétorqueront que même sans cette condition les Savoyards auraient dit OUI, suggérons-leur qu’ils s’imaginent répondre, à la prochaine proposition d’emploi qui leur sera faite, par un : “OUI et salaire”, avant qu’ils réalisent que ce salaire ne leur sera pas versé. Leur réponse première eût été un NON unanime.
Une précision encore : l’absence d’isoloir et de bulletins NON, deux “détails” qui, s’ils avaient existé, auraient permis le vote serein de chacun dans l’intimité de ses convictions, et non sous l’œil inquisiteur des représentants de la France. Ces 64 % auraient alors tôt fait de se dégonfler un peu plus et d’avoisiner un petit 50 %, voire moins, et l’histoire en eût été changée…
Hélas non : sept invasions et un plébiscite raté n’auraient fait que retarder cette fin inéluctable qui nous était promise depuis plus de 300 ans. Un autre prétexte, une autre guerre, une autre révolution, une autre magouille politique aurait remis cela sur le tapis tôt ou tard : la France voulait la Savoie et Nice, et les aurait par n’importe quel procédé.
Il fallait donc ce quasi-100 % : seul un pareil taux pouvait donner une certaine légalité à cet incroyable coup de bluff. Et maintenant, c’est sur cette seule réalité bien fragile que s’appuie la France pour justifier sa présence en Savoie, mais c’est aussi et malheureusement sur ce taux surréaliste que nombre de Savoyards ont formé leur ferme résolution de rester fidèles à la parole donnée par leurs ancêtres de 1860, pensant qu’une telle unanimité ne pouvait être remise en cause.
Ainsi naquit ce score retentissant, mais dépravé, de 99,8 %, dont nous savons maintenant que plus d’un tiers n’est que le fruit d’une scandaleuse tromperie.
Quelques années plus tard, ce genre de score sera évoqué avec condescendance par les dirigeants français à propos des élections post-coloniales des jeunes Etats africains comme un score de république bananière…
1860 et ses 99,8 % furent eux, à n’en pas douter, le résultat d’une Savoie bananée !
Notre ami Pierre.
Note – Les chiffres indiqués sont tirés de l’ouvrage de Paul Guichonnet : “Histoire de l’annexion de la Savoie à la France et ses dossiers secrets”, paru pour “le Messager” aux éditions Horvath, Roanne, 1982.
Machpro a écrit
Et en plus la France a eu l’outrecuidance de graver dans le marbre ce résultat tronqué dans la salle solennelle du palais de justice de Chambéry, montrant ainsi au monde et sans aucune vergogne ce résultat digne des plus grandes dictatures. Mais, finalement, la France, dans son type de fonctionnement politique se rapproche plus d’une dictature que d’une démocratie. En effet dans une dictature le pouvoir va de haut en bas; en France hyper-centralisée, il va des hauts fonctionnaires au bas peuple que sont les Français, et donc malheureusement et encore les Savoyards, sans que ces derniers n’aient aucune influence sur le gouvernement hormis quelques manifestations de rue que Paris regarde avec dédain. Dans une démocratie c’est le peuple qui dicte sa volonté et sa politique au gouvernement au moyen de pétitions, droit de référendum ou droit d’initiative, Trois éléments non reconnus par les dictatures et par la France.
De plus si les femmes avaient eu le droit de voter, le résultat aurait été très certainement tout autres, car rappelons que ces 99,8% ne représentaient finalement que 24,1% de la population d’alors, et si l’on ne tient compte que des oui inconditionnels vite trahis par la France, cette proportion ne représente plus que 15,4%. On est très loin du “plébiscite”. On s’en rapprochera un peu plus après le génocide savoisien organisé par la France lors de la guerre de 70 et particulièrement celle de 14-18, le nombre d’habitants de la Savoie ayant fortement diminué grâce aux bons soins de la France!
Amé a écrit
Ah ça, c’est extraordinaire : 64 % de OUI, finalement ;
et encore moins si les femmes avaient voté,
et encore moins si les Français charriés en Savoie n’avaient pas voté,
et encore moins si les morts n’avaient pas voté,
et encore moins si les Savoyards n’avaient pas été contraints par l’armée française de voter,
et encore moins si les Savoyards avaient eu le droit de voter NON,
et encore moins s’il y avait eu des bulletins NON…
Sabaudia a écrit
Effectivement si les femmes avaient voté…….!
elles ont souvent plus de bon sens que les hommes!
Et elles avaient par le mariage, fait la triste expérience qui est qu’apres Avoir donné leur OUI au mariage
Elles ont aussitôt perdu leur NOM.
Savoisine a écrit
Un OUI….qui ne dit pas son NON!
Mont-Blanc a écrit
Quoi que… maintenant nous l’avons la zone!
Savoie zone de non droit…..ça OUI!