Le Grand-Genève est évoqué dans un article du Faucigny du 25 janvier 2018, à l’occasion du parti Genevois sans frontière qui présentera une liste de 6 membres, dont deux domiciliés à l’étranger, à l’élection du Grand-Conseil du 15 avril, sous la bannière du parti démocrate-chrétien (PDC). Ce parti a l’ambition de représenter les 200’000 Suisses domiciliés en France (pour comparaison cela représente 1 Suisse pour 335 habitants de la France alors qu’en Suisse il y a 180’000 Français, soit 1 Français pour seulement 45 habitants de la Suisse). Seule environ la moitié de ces 200’000 Suisses dépend du consulat de Lyon qui couvre une vingtaine de départements. La réserve de voix sur laquelle se base Genève sans frontière touche principalement les Suisses de la Haute-Savoie et de l’Ain, très inférieurs en nombre aux 200’000 (environ 10%) annoncés par Paolo Lupo, domicilié à Annecy, l’un des 6 candidats de Genevois sans frontière. Comment un habitant d’Annecy pourrait-il siéger au Grand-Conseil de Genève ? L’inverse serait-il possible ? Un habitant de Genève siégeant au Conseil départemental serait une chose totalement incongrue pour les politiciens français !
Genevois sans frontière rêve de « l’intégration culturelle et politique » au sein du Grand-Genève avec un « conseil exécutif transfrontalier ».
Ce rêve est fort ambitieux, surtout avec des politiciens français comme Laurent Wauquiez, président de la méga-région Auvergne-Rhône-Alpes dans laquelle est dissoute la Savoie. Comme tous ses collègues politiciens français, il a été formaté au centralisme parisien, il ne peut même imaginer ce qu’est un pays fédéral et encore moins ce qu’est une démocratie directe, comme le prouve sa déclaration : « Genève a été tétanisée par les gesticulations des populistes… » Simplement parce que la population genevoise n’a pas voté comme Monsieur Wauquiez aurait aimé, dans le cadre des financements des P+R notamment. Et c’est à ce message qu’est intéressé Jean-Charles Lathion, un autre candidat de Genevois sans frontière, comme le relève le Faucigny. A voir le flux unidirectionnel des frontaliers on se demande bien quel système tétanise le plus sa population !
Le seul politicien français qui avait compris les causes du non fonctionnement du Grand-Genève est Monsieur Etienne Blanc, alors attaché de mission du gouvernement et maire de Divonne. Il se demandait que faire pour remédier à ce dysfonctionnement. Monsieur Blanc proposait de ”mettre le droit français au diapason des autres législations européennes”. ”Il faudrait bouleverser le droit social, fiscal et du travail” afin de permettre au Grand-Genève d’émerger ; ou, dit à mi-mots : mettre la législation française et particulièrement les droits sociaux, fiscaux et du travail en harmonie avec les pays voisins, dans notre cas la Suisse. Adapter le droit suisse au droit français ? – Nivellement par le bas, perte de démocratie, perte d’attractivité, perte de souveraineté. Adapter le droits français au droit suisse ? – Totalement impossible dans le système centralisé et autoritaire français, et la Savoie, principale intéressée par le Grand-Genève, est soumise à ce droit. D’où l’équation irrésolvable qui permettrait au Grand-Genève d’exister concrètement.
Irrésolvable ? – Non. Il suffirait que la Savoie retrouve une part de son autonomie, de son pouvoir de décision, qu’elle retrouve la capacité de gérer ses revenus comme elle l’entend pour être à même de collaborer avec Genève sur un pied d’égalité, et non plus quémander son propre argent à Papa Paris, qui lui-même demande l’aumône à la Confédération suisse pour financer ses infrastructures, comme la ligne des Carpattes : 110 millions d’euros bien suisses entièrement dépensés en France ; le tram d’Annemasse ; les aménagements de la gare d’Annemasse et de la voie verte côté français : 26 millions suisses entièrement dépensés en France ; le TGV Rhin-Rhône : 100 millions suisses entièrement dépensés en France ; l’entretien de la ligne du Tonkin : en bonne partie financée par le canton du Valais. Sans compter les 300 millions par année de rétrocession fiscale de Genève, prévus pour financer les infrastructures locales, et non pas les pots de fleurs sur les trop nombreux ronds-points. Combien la France a-t-elle dépensé en Suisse pour des infrastructures suisses ?
Alors oui, Monsieur Wauquiez, et ce n’est pas du populisme, les Genevois et les Suisses en ont marre de subvenir à l’incapacité de votre pays de financer ses propres infrastructures, et votent contre le financement genevois des P+R en France. Il ne faut pas confondre populisme et réalpolitique, même si Gabriel Doublet le maire de Saint-Cergues et vice-président du pôle métropolitain du Genevois français (si, si, ça existe !) s’insurge contre la coupe décidée par Berne dans les investissements prévus, réduits à « seulement » 38 millions. C’est d’ailleurs étrangement curieux comme Berne préfère investir son argent en Suisse plutôt qu’en France !
Au lieu de s’ingérer dans les décisions de Berne, Pourquoi M. Doublet ne se tourne-t-il pas vers sa France pour quémander son propre argent afin de construire ses propres infrastructures et s’insurger, par exemple, contre les diminutions drastiques des dotations de Paris, financées par les Savoyards, aux communes savoyardes ?
Alors non, tant que la Savoie sera engluée dans le système français et que ses élus seront aux ordres de Paris, les Genevois ne voudront pas du Grand-Genève, qui restera sur le papier. Ces mêmes élus savoyards qui, au sujet du retrait de l’Etat français du financement du désenclavement du Chablais, « avaient applaudi des deux mains ce renoncement, le qualifiant même de courage. Quant au prix de ce reniement… il sera de 100 millions d’euros pour les contribuables haut-savoyards », comme le relève ce même Faucigny. Faudrait-il les demander à Genève ? Quoi qu’il en soit, les Hauts-Savoyards ont l’habitude, ils ont déjà dû financer les 30 millions provenant de l’entêtement des élus à vouloir faire d’Annecy une ville olympique à l’encontre de la volonté de la population !
En fustigeant Berne plutôt que Paris, nos élus ne se trompent-ils pas de cible ?
Le seul espoir pour le Grand-Genève est que la Savoie se libère du boulet français, que la Savoie s’émancipe pour se rapprocher politiquement, fiscalement, économiquement et socialement de la Suisse et de Genève, afin de discuter à niveau égal et sans filtre parisien ou lyonnais.
Le seul parti politique français qui prône ouvertement une émancipation de la Savoie est 100% Savoie, à l’inverse de tous les autres partis qui prennent leurs ordres à Paris.
La seule réalpolitique crédible en faveur du Grand-Genève serait que les 6 membres fondateurs de Genevois sans frontière se rapprochent de 100% Savoie, et que Genevois sans frontière appuie les propositions de 100% Savoie plutôt que de se laisser prendre dans les tergiversations de la politique française, et plutôt que de s’intéresser aux messages de Laurent Wauquiez, qui considère les Genevois comme populistes simplement parce qu’ils ont l’immense privilège d’avoir un poids dans leur politique, contrairement aux Savoyards soumis à la centralisation française et qui ne peuvent que la subir.
Là, cette fois, Genevois sans frontière se trompe de cible.
Pierre de Vorze
Le Grand-Genève pourrait se faire aux dépens de la Savoie, mais il sera vite récupéré, pour tout ce qui touche aux infrastructures savoyardes, par la Grande-et-Grosse-France… comme elle l’a fait en Savoie, pays sur lequel elle a fait main basse dès le lendemain de l’annexion.